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Sécurité / Défense
Afrique Subsaharienne
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La fin de l’opération Barkhane et l’avenir de la présence française au Sahel

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Elie Tenenbaum

Directeur du Centre des études de Sécurité de l'Ifri

Le 17 février 2022, au terme d’une crise politique aiguë et de longs mois de tensions croissantes, Emmanuel Macron annonçait le départ des forces de l’opération Barkhane du Mali. Bien que cette annonce soit le résultat immédiat de la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Bamako survenue deux semaines auparavant, elle s’inscrit aussi dans le choix, affirmé par le président français dès le 10 juin 2021, de préparer l’arrêt de l’opération Barkhane dans son ensemble d’ici la fin 2022. Mobilisant plus de 5 000 soldats, cette mission de lutte contre le terrorisme a été lancée en 2014. Elle couvre un vaste théâtre s’étendant sur cinq pays (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et plus de 5 millions de kilomètres carrés. Pensé pour prendre la suite de l’intervention française qui avait permis, début 2013, de refouler les djihadistes du nord du Mali, le mandat de Barkhane était clair : continuer à traquer les terroristes, dispersés à travers la bande sahélo-saharienne, et former les armées des pays partenaires. De tels objectifs devaient permettre de « gagner du temps » pour qu’un processus politique puisse prendre place, en vue de résoudre les problèmes de gouvernance fondamentaux sur lesquels avaient prospéré les djihadistes.

Un processus politique enrayé

Si, en 2014, la dynamique politique était positive avec un nouveau pouvoir malien issu d’élections libres et la signature l’année suivante d’un Accord de paix et de réconciliation (APR) avec les groupes armés au Nord, elle s’est vite enrayée. La mise en œuvre de l’APR, aujourd’hui au point mort, s’est d’emblée heurtée au flou des termes de l’accord et à la mauvaise volonté des parties, notamment du Nord, préférant la situation d’autonomie de fait à la responsabilité du changement. Quant au pouvoir central à Bamako, il n’a fait que reconduire les anciennes pratiques de clientélisme et de corruption. Les coups d’État consécutifs d’août 2020 et de mai 2021 n’ont pas engendré d’amélioration significative de la gouvernance. Ils ont focalisé la vie politique malienne sur les intrigues de palais, repoussant d’autant la nécessaire refonte du pacte social.
Une menace qui s’étend
L’insurrection djihadiste a su profiter de cette latence politique. Elle s’articule autour de deux organisations rivales : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique au Grand Sahara, rattaché à Daech. En dépit de cette division et d’une attrition soutenue du fait du contre-terrorisme – notamment français –, ces deux groupes ont démontré leur résilience et un ancrage local de plus en plus solide. Par capillarité territoriale, ils sont parvenus à étendre leur zone d’influence vers le Sud (centre du Mali, sud-ouest du Niger, nord et est du Burkina Faso) avec des ramifications jusqu’en Côte d’Ivoire, au Togo et au Bénin. Partout, ils prospèrent sur les griefs des populations locales à l’égard d’une gouvernance vécue comme illégitime, brutale, inefficace et corrompue.

L’échec de la sahélisation

Dès le début de l’opération Barkhane, il était clair que la France ne pouvait soutenir indéfiniment un dispositif contre-terroriste aussi contraignant. Différentes « stratégies » ont ainsi été imaginées pour permettre, sinon de quitter le théâtre sahélien, du moins de réduire l’implication française. La stratégie initiale visait à renforcer les capacités des pays partenaires et à régionaliser la lutte contre le terrorisme avec la montée en puissance d’une « force conjointe » composée d’une demi-douzaine de bataillons issus des armées du G5-Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso). Force a pourtant été de constater la lenteur de sa mise en place, la persistance de problèmes de coordination, voire de défiance entre armées, et surtout la faiblesse structurelle des troupes, moins du fait d’un manque de valeur militaire que d’une déficience de la gouvernance des armées (logistique, finance, ressources humaines). Enfin, les tensions diplomatiques provoquées par le double putsch malien, l’extension de la crise terroriste au Niger et au Burkina Faso ainsi que les propres problèmes intérieurs au Tchad ont eu tendance à réduire les velléités de coopération transfrontalière.

Les limites de l’européisation

Confrontée à l’échec de la « sahélisation », la France a opté pour une stratégie d’européisation. Portée à bout de bras par Paris, la Task Force Takuba consiste en un détachement de forces spéciales issues d’une douzaine de pays européens. Arrivée à pleine capacité opérationnelle au printemps 2021, elle devait à terme disposer de 2 000 hommes pour assurer le gros du partenariat militaire opérationnel et de l’accompagnement au combat offert par Barkhane. Si l’européisation montre la capacité d’entraînement française, et permet opportunément de diluer le coût politique et militaire du contre-terrorisme sahélien, elle constitue aussi un risque de perte de cohérence – aussi bien interne que dans l’interface avec les partenaires – et de suivi dans la durée, avec une problématique sécuritaire sahélienne encore mal appréhendée par les alliés européens.

La grande divergence politique

On l’a compris, la conflictualité au Sahel est essentiellement ancrée dans des problèmes de gouvernance locale. La France ne peut indéfiniment soutenir un système dont elle sait pertinemment qu’il contribue aux conditions d’émergence du terrorisme et aux faiblesses des forces de sécurité. Ce constat a accéléré une divergence politique entre Paris et les capitales sahéliennes, tout particulièrement Bamako. Les désaccords se sont en effet multipliés avec les autorités maliennes, notamment depuis le coup d’État de 2020, sur des sujets aussi fondamentaux que l’ouverture de négociations avec le GSIM. La suspension pendant plus d’un mois au printemps 2021 de la coopération militaire franco-malienne et l’envenimement des relations, à la suite des déclarations provocatrices du Premier ministre Choguel Maïga, ont précipité la décision d’Emmanuel Macron de mettre fin à Barkhane. L’appel de Bamako à la Russie et l’intervention des opérateurs de sécurité privée du Groupe Wagner à partir de décembre 2021 accélèrent la rupture avec la France et sa coalition européenne. Le divorce est entièrement consommé dans la première quinzaine de février, conduisant à un départ précipité des unités de Barkhane et Takuba.

Vers une régionalisation du dispositif

Malgré cet imbroglio politique, la France ne peut totalement abandonner le Sahel, en raison notamment des conséquences sécuritaires que cela aurait pour les pays du Golfe de Guinée, où les intérêts français sont bien supérieurs. Par ailleurs, les intrigues d’acteurs malveillants, tels que la Russie ou la Turquie, pour saper les positions françaises montrent que les enjeux dépassent ceux de la seule lutte contre le terrorisme. Par-delà la fermeture des emprises au Mali et la réarticulation partielle en direction du Niger – avec lequel la convergence politique permet d’imaginer le maintien d’une force résiduelle, plus discrète, axée sur la coopération et la réassurance –, la posture française devrait surtout évoluer à travers un réinvestissement à l’échelle régionale de son dispositif permanent de coopération de défense et de sécurité. Cette approche de long terme, à la fois moins ambitieuse et plus discrète, devrait permettre d’y préserver les intérêts les plus essentiels en reconstituant un capital politique durement entamé.