La montée en puissance économique, politique et militaire de la République populaire de Chine (RPC) placera naturellement cette dernière parmi les priorités de l’agenda de politique étrangère du prochain président de la République. Si l’émergence chinoise n’est pas nouvelle, les profondes transformations au sein du parti-État ces cinq dernières années appellent à une révision de l’approche française vis-à-vis de Pékin vers plus de franchise, d’exigence et de fermeté.
Durant les deux quinquennats précédents, la politique chinoise de la France s’est surtout focalisée sur les échanges économiques : exportations, investissement et production en Chine, et attraction des investissements chinois en France. Les questions politiques étaient reléguées au second plan de la relation, voire déléguées à l’Union européenne (UE) pour les enjeux les plus sensibles. Une exception : la lutte contre le changement climatique pour laquelle la Chine a soutenu l’Accord de Paris lors de la COP21 en 2015.
Cette approche, très économique, doit aujourd’hui prendre acte du durcissement idéologique et autoritaire du Parti communiste chinois tant sur la scène intérieure qu’internationale. L’affirmation vigoureuse de Pékin dans son environnement régional et jusqu’en Europe interroge et inquiète quant à ses intentions stratégiques. Montée des tensions dans le détroit de Taïwan, en mers de Chine orientale et méridionale, ainsi qu’à la frontière sino-indienne ; multiplication des sanctions économiques non avouées ; accroissement des opérations d’influence à l’étranger et des opérations étatiques dissimulées (hybrides) dans les domaines maritimes et cyber notamment.
Dans ce nouveau contexte, il s’agira de continuer à promouvoir le dialogue et la coopération, mais selon des termes plus équitables et exigeants, sans oblitérer nos valeurs.
Le rôle de l’Union européenne
Pour ce faire, l’UE demeurera le canal de discussion le plus crédible et efficace avec Pékin. Toutefois, le rôle majeur de l’UE ne doit pas dispenser Paris d’adopter une position propre plus lisible et claire pour ses partenaires.
La France devrait ainsi jouer un rôle moteur au sein de l’UE, non pas pour susciter l’adhésion des autres États membres à une ligne décidée à Paris, mais pour organiser la concertation intra-européenne et faire accoucher d’une position commune claire et applicable.
Le positionnement européen vis-à-vis de la Chine ne peut se faire sans prendre en considération la stratégie des États-Unis et la rivalité sino-américaine croissante. À ce titre, l’UE devrait persévérer et renforcer son approche basée sur la coopération et le dialogue avec la Chine, ainsi qu’avec toutes les nations de l’Indo-Pacifique. Cette approche est une alternative bienvenue et non contradictoire avec une approche américaine plus frontale.
L’UE et la France n’ont ni intérêt ni les moyens de brandir une opposition militaire face à Pékin. Il serait cependant tout aussi erroné de sous-estimer et de sous-exploiter le poids politique et économique de l’UE face à la Chine.
Les droits de l’homme
L’administration française devrait sans doute se montrer bien plus active sur la question des droits de l’homme dans sa relation avec la Chine. Premièrement, l’approche de Paris de traiter de ces questions avec Pékin « en coulisse » n’est plus satisfaisante, a fortiori au vu de la dégradation alarmante de la situation des droits de l’homme en RPC, concernant les Ouïghours, les démocrates hongkongais, les religions, et plus globalement toutes les formes de contestation. Deuxièmement, alors que l’UE et nombre d’États membres (Lituanie, République Tchèque, Slovaquie, Belgique…) prônent de plus en plus l’affirmation des valeurs en politique étrangère et que le nouveau gouvernement allemand apparaît déterminé à réaffirmer ces questions, la France sera probablement poussée à se montrer moins timorée.
L’expérience prouve qu’un discours clair et ferme sur les droits de l’homme, à défaut d’être contraignant, exerce néanmoins une pression politique sur Pékin et l’oblige à répondre. Il est nécessaire d’exprimer à Pékin que ces questions ne sont pas accessoires pour les Européens.
Coopération universitaire et scientifique
Enfin, dans le cadre du réexamen de la relation bilatérale, la coopération universitaire, scientifique et culturelle devra faire l’objet d’un travail minutieux, au niveau national et en concertation avec les partenaires européens. Trois risques principaux doivent être pris en compte : les pressions sur la liberté d’expression et l’indépendance de l’éducation et de la recherche en France, les menaces contre le patrimoine scientifique et technique national, et le manque de réciprocité dans la coopération.