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Migrations
Europe
France

Les migrations, un facteur croissant de tensions internationales

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Matthieu Tardis

Responsable du Centre migrations et citoyennetés de l'Ifri

En novembre 2021, 2 000 migrants pris en étau entre des militaires biélorusses et polonais ont concentré l’attention des diplomaties européennes. En quelques mois, l’arrivée – organisée par le gouvernement biélorusse – de plusieurs milliers de migrants aux portes de la Lituanie puis de la Pologne a été perçue comme un « acte d’agression » par les autorités de ces deux pays. Ces personnes, principalement originaires du Moyen-Orient, sont utilisées comme « armes humaines » dans un jeu géopolitique qui ne les concernait pas au premier chef. Cette nouvelle crise illustre la façon dont l’immigration est devenue un levier employé par certains gouvernements pour obtenir des effets sur d’autres dossiers.

Un chantage migratoire à double sens

L’instrumentalisation des migrations à des fins géopolitiques ne date pas de 2021. Dans les années 2000, la Libye de Kadhafi n’avait pas hésité à menacer de laisser partir des centaines de milliers de migrants de ses côtes pour nouer un partenariat politique et économique avec l’Italie. C’est surtout après 2015 que les pays entourant l’Union européenne (UE) ont développé un chantage autour des risques migratoires. Ils ont ainsi profité du traumatisme des gouvernements européens lié à l’incapacité collective de gérer l’arrivée de plus d’un million de personnes exilées. L’UE n’a alors pas trouvé d’autre solution que de confier à des pays tiers une partie de la responsabilité de la gestion des flux migratoires. Or, c’est ce transfert de responsabilité, voire de souveraineté, qui se retourne désormais contre les Européens.

La déclaration de l’UE et du gouvernement turc du 16 mars 2016, communément appelée le « deal UE-Turquie », en est l’exemple le plus connu. La Turquie s’est engagée à empêcher les départs de migrants et de réfugiés vers la Grèce en échange de six milliards d’euros, la réouverture des négociations d’adhésion à l’UE et des facilitations de visas. Depuis, le gouvernement turc rappelle régulièrement aux Européens leur situation de dépendance. En février 2020, ce sont ainsi plus de 10 000 personnes qui sont arrivées à la frontière grecque au moment où les Européens ont émis des réserves quant à l’intervention militaire terrestre turque en Syrie. Plus récemment, en mai 2021, le Maroc a également fait pression sur l’Espagne, qui accueillait dans un hôpital un leader du Front Polisario, en laissant passer des centaines de migrants à Ceuta et Melilla.

Les pays européens et l’UE n’hésitent pas non plus à inclure les questions migratoires dans leurs relations diplomatiques, selon des modalités qui tournent de plus en plus à l’épreuve de force. Si, avant 2015, l’UE entendait récompenser les pays tiers qui coopéraient efficacement en matière migratoire, principalement sur la question du retour des étrangers en situation irrégulière, l’approche est désormais celle de la sanction. Il s’agit de restreindre la délivrance des visas, mécanisme autorisé par une réforme du code Schengen en 2020, ou de conditionner l’aide au développement des pays qui n’iraient pas dans le sens des Européens. La décision de la France de réduire drastiquement le nombre de visas aux ressortissants du Maghreb s’inscrit dans ce changement de doctrine.

La diplomatie au service des politiques migratoires

La politisation des questions migratoires au sein de l’UE atteint des niveaux inégalés depuis la Seconde Guerre mondiale. Preuve en est une série d’élections nationales qui, du Royaume-Uni à la Hongrie, se sont en grande partie jouées sur ce débat. Il peut donc sembler naturel que cette politisation affecte de manière croissante les politiques étrangères de l’UE et de la France.

L’immigration est un sujet de diplomatie depuis longtemps. L’exemple le plus illustre est la protection des réfugiés. Jusqu’à la fin des années 1980, la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés fut un outil de politique étrangère des démocraties libérales face au bloc communiste. Rappelons que le droit d’asile relevait en France de la responsabilité du ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2007. L’immigration a également été un facteur d’ajustement des relations post-coloniales de la France.

Désormais, le rapport est inversé puisqu’une partie de la politique étrangère semble être au service des objectifs migratoires des gouvernements. La question est alors celle de l’articulation entre les autres ambitions stratégiques de la France et de l’UE, comme la coopération économique ou sécuritaire, afin que la politique étrangère ne soit pas principalement guidée par l’émotion propre aux sujets migratoires et l’exigence de résultats à court terme.

La fuite des Ukrainiens du fait de l’invasion russe constitue un terrible retournement de l’histoire en Europe. L’exil de plus d’un million et demi de personnes au cours de la première semaine du conflit rappelle aux Européens que les déplacements de populations sont une conséquence des tensions géopolitiques et donc une question de relations internationales. Certes, en l’espèce, l’UE ne peut transférer à aucun pays tiers la gestion de l’accueil des réfugiés ukrainiens puisqu’elle se trouve en première ligne. Mais l’allègement des règles de Schengen et la reconnaissance sans débat d’une protection de groupe aux Ukrainiens soulignent que la manière dont l’UE va accueillir ces réfugiés constitue, non pas un enjeu de politique migratoire, mais une réponse parmi d’autres dans l’arsenal des mesures contre la Russie.