Les relations entre la France et les États-Unis se jouent principalement en bilatéral sur les dossiers relatifs à la défense, mais en euro-américain pour ce qui concerne les compétences communautaires telles que le commerce. Le fait que la France préside le Conseil de l’Union européenne (UE) pourrait permettre à Paris de peser davantage au premier semestre 2022, alors même que Washington semble accorder plus d’importance à sa relation avec Berlin.
Défense : quelle sera la portée des avancées post-AUKUS ?
En matière de défense, trois dossiers seront au cœur des relations franco-américaines en 2022. Le Sahel, tout d’abord, où les forces françaises sont aux avant-postes de la lutte contre le djihadisme depuis près de dix ans. La fin annoncée de l’opération Barkhane va conduire à une diminution et une reconfiguration du dispositif français. Paris compte sur ses alliés européens pour fournir des forces spéciales dans le cadre de la Task Force Takuba, et sur les États-Unis pour poursuivre leur soutien dans les domaines du renseignement et de la logistique.
Dans l’Indo-Pacifique, ensuite, l’affaire des sous-marins est trop récente pour que des échanges sur une éventuelle participation de la France au traité AUKUS aient lieu. La réconciliation franco-américaine a été amorcée au G20 de Rome fin octobre 2021, et les responsables américains affirment désormais avoir une meilleure compréhension de l’importance de la présence militaire française dans la région.
Le sujet de l’« autonomie stratégique européenne », enfin, est particulièrement porté par la France. Or, si les États-Unis souhaitent que les Européens s’impliquent plus en matière de défense, ils ont toujours préféré que cela se fasse dans le cadre de l’Alliance atlantique et sur la base d’achats d’armements américains. L’administration Biden a pourtant fait des concessions à la suite de l’affaire AUKUS. Le communiqué commun de Rome affirme ainsi que « les États-Unis reconnaissent l’importance d’une défense européenne plus forte et plus opérationnelle, […] complémentaire à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ».
Mais Washington n’est pas le seul obstacle. Les pays européens frontaliers de la Russie craignent un affaiblissement de la protection américaine via l’OTAN, au cas où une défense européenne autonome se mettrait en place. Il est improbable que les États-Unis se chargent de rassurer la Pologne ou les pays baltes sur ce point ! Du côté allemand, en revanche, le nouveau chancelier Olaf Scholz pourrait s’avérer plus proche de Paris que ne l’était Angela Merkel. Son accord de coalition parle de « souveraineté stratégique » européenne, un terme dont il faudra préciser la portée.
L’éloignement du spectre de la guerre commerciale
Les différents sujets de guerre commerciale qui minaient les relations transatlantiques semblent actuellement réglés : la dispute Airbus-Boeing l’a été dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ; la taxe GAFA imposée par la France a été suspendue à la suite de la grande réforme fiscale portée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le G20 ; les tarifs sur l’acier et l’aluminium datant de l’ère Trump ont été levés par un accord conclu le 31 octobre 2021.
Alors que le libre-échange semble pour l’instant passé de mode, des avancées en termes d’échanges transatlantiques restent envisageables grâce au Conseil du commerce et des technologies, créé en juin 2021. Ce nouveau forum États-Unis/Union européenne doit servir à mettre au point des stratégies et des standards communs vis-à-vis des ambitions technologiques chinoises, mais aussi à réguler les divers enjeux du numérique portés par les GAFAM (protection des données, concurrence, fiscalité, etc.).
En revanche, la création d’une Plateforme agroalimentaire de collaboration transatlantique, début novembre 2021, laisse perplexe. Elle vise à renforcer le dialogue sur le commerce de produits alimentaires entre les deux régions. Or, les États-Unis sont bien décidés à exporter des produits contournant les normes de qualité européennes. La Présidence française de l’Union européenne devra rester très vigilante sur ce dossier.
Enfin, l’administration Biden semble décidée à poursuivre une politique de sanctions économiques, notamment contre la Russie. Du côté européen, le mécanisme de compensation hors-dollar INSTEX lancé par la France n’a pas fonctionné. Reste donc la voie diplomatique pour essayer de ménager les intérêts des entreprises françaises et européennes face à cette arme puissante, dont les responsables américains, même démocrates, n’ont aucune intention de se passer.