La nécessité d’une plus grande autonomie stratégique européenne se décline notamment dans le secteur des technologies numériques, où l’Europe accuse un retard certain par rapport aux États-Unis et à la Chine. L’Union européenne (UE), sous l’impulsion, entre autres, de la France, a initié plusieurs chantiers pour améliorer la position des pays de l’UE : renforcement de l’écosystème industriel dans le numérique ; sécurisation des entreprises et infrastructures numériques et de télécommunication ; partenariats internationaux modernisés.
Chantier 1 : développer l’industrie du numérique en Europe
Plusieurs domaines méritent une attention particulière, dont les technologies à usages transverses que sont l’intelligence artificielle ; les processeurs et semi-conducteurs ; le cloud computing ; le edge computing, c’est-à-dire le stockage et traitement décentralisés des données, pertinent notamment pour les objets connectés ; ou encore l’informatique quantique, encore émergente mais potentiellement disruptive.
Au cours des deux dernières années, la France et l’UE ont lancé de nombreuses initiatives pour soutenir financièrement la recherche et l’innovation. L’enjeu pour l’Europe est moins de favoriser la naissance de start-ups que de les conserver : les jeunes entreprises européennes les plus prometteuses souffrent de la faiblesse des investissements dans les technologies émergentes. Dès lors, il faudra trouver les moyens d’assurer des niveaux d’investissement publics et privés suffisants, à l’heure où les États-Unis et la Chine redoublent d’efforts financiers.
Chantier 2 : sécuriser les industries de pointe et protéger les infrastructures numériques
Si la France a développé des outils pour sécuriser les secteurs industriels les plus sensibles (par exemple, par une prise de participation de l’État), il reste fort à faire au niveau européen pour harmoniser les pratiques. L’UE a pris des initiatives tels que le mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers (IDE) ou la « Boîte à outils » sur la 5G. Les deux visent à encourager une prise en compte du risque de sécurité dans les choix des États en matière d’investissements étrangers et de choix d’équipementiers, mais ces initiatives sont uniquement incitatives et leur mise en œuvre par les États membres reste inégale. Cela risque de créer des maillons faibles dans le tissu industriel et les infrastructures européens.
Aujourd’hui, les câbles sous-marins, et demain les constellations de satellites qui promettent d’offrir un accès à internet depuis n’importe quel point du globe, viennent aussi mettre au défi la résilience et la sécurité des infrastructure numériques européennes. Ces deux secteurs sont actuellement dominés, d’un côté par des entreprises privées américaines, et de l’autre par des entreprises chinoises soutenues par Pékin, ce qui présente de nouveaux risques pour l’autonomie stratégique européenne.
Chantier 3 : moderniser les partenariats internationaux autour des enjeux numériques
Une priorité doit être, entre alliés, la coordination des politiques entourant les nouvelles technologies. L’UE et les États-Unis ont inauguré en septembre 2021 le Trade and Technology Council, visant notamment à régler les désaccords transatlantiques sur la protection des données, la taxation des plateformes numériques et les contrôles aux exportations, ainsi qu’à faire avancer un agenda commun au niveau mondial. Ce travail devra être poursuivi.
Un autre chantier de politique étrangère va consister à développer des partenariats avec d’autres pays et régions tels que l’Inde, l’Afrique et l’Amérique latine, potentiellement avec des projets communs d’infrastructures. Une politique d’aide au développement d’infrastructures numériques répondant à des normes démocratiques sera à l’ordre du jour.