Les villes d’Afrique subsaharienne (ASS) connaissent une croissance exponentielle. En 1950, un peu moins de 15 % de la population subsaharienne vivait en zone urbaine. Cinquante ans plus tard, ce taux avait plus que doublé, et désormais c’est près de 60 % de la population de l’ASS qui sera urbaine en 2050. Autrement dit, entre 2022 et 2050, 781 millions d’habitants supplémentaires vivront en zone urbaine. Depuis plusieurs années, on observe une prise de conscience à l’international des conséquences socio-économiques de la croissance urbaine en Afrique. Il s’agit d’un enjeu de développement dont la portée et les impacts ne préoccupent pas seulement les autorités publiques et les décideurs africains, mais aussi leurs partenaires européens.
Penser les villes en lien avec leurs environnements ruraux
Le président Emmanuel Macron a reconnu l’importance de la question urbaine en Afrique. Le programme du Nouveau Sommet Afrique-France qui s’est déroulé à Montpellier en octobre 2021 était initialement construit autour du sujet des villes durables. Si l’inscription des enjeux urbains dans la politique de développement française est indispensable, elle ne doit pas pour autant véhiculer une conception cloisonnée des villes africaines, les considérant comme des espaces à part. Les villes doivent plutôt être appréhendées à travers leurs interactions et leurs liens multiples avec les zones péri-urbaines et rurales. Ainsi, les espaces urbains et les différentes couches de leur environnement jusqu’aux zones les plus reculées forment un continuum qui se manifeste à travers différents phénomènes socio-économiques : exode rural et migrations pendulaires ; approvisionnement des citadins avec des produits alimentaires cultivés en périphérie ; transport des produits médicaux et d’autres biens fabriqués en villes vers les zones rurales souvent dépourvues d’infrastructures sanitaires et d’autres services sociaux.
Appréhender les enjeux de développement à travers l’approche du continuum rural-urbain nécessite aussi une lecture transversale de différentes politiques publiques. La gouvernance des villes et de leur périphérie est en effet animée par une multitude d’acteurs travaillant dans différents domaines. Les questions du foncier, de la sécurité alimentaire, de la santé, de l’environnement, du transport, des infrastructures et du financement ont souvent trait à des enjeux enchevêtrés. Par exemple, le degré de sécurité alimentaire des habitants des villes dépend de la production agricole en zone péri-urbaine et rurale qui, quant à elle, est affectée par le niveau de sécurité foncière des agriculteurs et la qualité des chaînes d’approvisionnement et des infrastructures routières.
La gouvernance et le financement des infrastructures urbaines
Le manque de financement des infrastructures sur le continent africain, régulièrement souligné par les organisations internationales, est un enjeu central du débat autour du continuum urbain-rural. Les infrastructures de transport (routières, ferroviaires) et énergétiques ne permettent pas seulement de relier les centres urbains et économiques. Elles peuvent également avoir un impact social et économique sur les zones péri-urbaines et rurales, en entraînant par exemple de la spéculation foncière, des effets d’urbanisation, mais aussi en facilitant des échanges économiques. La prise en compte des enjeux de la sécurité foncière, qui représente le fondement sur lequel évolue la vie urbaine et rurale, est ainsi indispensable.
Le président de la République qui sera élu en mai 2022 devrait, au cours du prochain quinquennat, soutenir des politiques de partenariat avec le continent africain qui placent la notion de continuum urbain-rural au cœur de l’action. Il s’agit d’encourager un dialogue entre les experts du développement rural et ceux des études urbaines. Ces deux domaines sont encore trop souvent considérés comme deux champs distincts dans les politiques de développement françaises.