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Chine/États-Unis : l'Europe en déséquilibre

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Introduction

31 mars 2023 • Thomas Gomart • Marc Hecker

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L’hostilité grandissante des États-Unis envers la Chine

30 mars 2023 • Laurence Nardon

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La remise en question de la domination technologique américaine

30 mars 2023 • Alice Pannier

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Chine-Russie : l’axe anti-occidental et les limites du partenariat bilatéral

30 mars 2023 • Tatiana Kastouéva-Jean • Marc Julienne

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La course mondiale aux semi-conducteurs

30 mars 2023 • Mathilde Velliet

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Taïwan : point de cristallisation des tensions entre Pékin et Washington

30 mars 2023 • Jérémy Bachelier • Marc Julienne • Elie Tenenbaum

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Le climat dans les relations sino-américaines : une perte de sens du bien commun

30 mars 2023 • Diana Gherasim

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Matières premières critiques : éviter le jeu à somme nulle

30 mars 2023 • John Seaman

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Chine–États-Unis : la course à l’espace

30 mars 2023 • Marc Julienne

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L’Allemagne, la France et la rivalité sino-américaine

22 mars 2023 • Éric-André Martin

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L’objectif de la Chine : dépasser la puissance américaine

22 mars 2023 • Marc Julienne

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L’Inde et la compétition sino-américaine

22 mars 2023 • Isabelle Saint-Mézard

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La stratégie indopacifique européenne à l'aune des tensions sino-américaines

22 mars 2023 • Céline Pajon • Jérémy Bachelier

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Le Moyen-Orient face à la compétition sino-américaine

22 mars 2023 • Jean-Loup SAMAAN

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Sécurité des approvisionnements énergétiques : la volonté chinoise de maîtriser ses dépendances

22 mars 2023 • Marc-Antoine Eyl-Mazzega

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L’Afrique subsaharienne, front secondaire de la rivalité sino-américaine

20 mars 2023 • Alain Antil

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Rivalité commerciale sino-américaine : la pression monte pour l’Union européenne

22 mars 2023 • Françoise Nicolas

Tous les sujets ont été chargés

Chine/États-Unis : l'... > Enjeux géopolitiques > Introduction

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Introduction

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Thomas Gomart

Directeur de l'Ifri

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Marc Hecker

Directeur de la recherche et de la valorisation de l'Ifri, rédacteur en chef de la revue Politique étrangère et chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

Depuis plusieurs années, l’équipe de l’Institut français des relations internationales suit de près les déformations du triangle stratégique Etats-Unis / Chine / Europe pour anticiper le cours de la mondialisation. En 2019, la conférence organisée à la Sorbonne à l’occasion du 40ème anniversaire de l’Ifri avait pour thématique « L’avenir de l’Europe face à la compétition sino-américaine ». En 2020, au tout début du confinement, une note co-écrite par 7 chercheurs soulignait l’accélération par la pandémie de tendances déjà identifiées, l’Union européenne (UE) faisant face simultanément au risque de sa « marginalisation rapide » et à « une opportunité inédite : rallier et coordonner les pays, qui à travers le monde, n’entendent pas se laisser piéger par la rivalité sino-américaine » . Trois ans plus tard, cette nouvelle étude, composée de 16 textes, fait suite à la visite en Chine d’Olaf Scholz (novembre 2022) et précède celle d’Emmanuel Macron (avril 2023). Elle intervient surtout un an après le début d’un choc géopolitique et géoéconomique d’une rare ampleur : l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La guerre d’Ukraine ou le retour de la géopolitique des blocs ?

La guerre d’Ukraine rompt durablement les liens entre l’UE et la Russie, en particulier dans le domaine énergétique, mais elle a aussi des conséquences au Moyen-Orient, en Afrique et dans l’Indopacifique. Cette guerre est surtout devenue le premier théâtre de la confrontation indirecte active entre les Etats-Unis – qui soutiennent militairement les Ukrainiens avec l’appui de leurs alliés européens – et la Chine, qui aide la Russie politiquement et économiquement. En février 2022, Moscou et Pékin ont déclaré leur « amitié sans limites » ; en mars 2023, Xi Jinping apporte son soutien personnel à Vladimir Poutine au lendemain du lancement à son encontre d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale.

Dans sa position sur le règlement politique de la crise ukrainienne présentée en février 2023, la Chine indique : « Il faut s’opposer à ce qu’un pays recherche sa propre sécurité au prix de celle d’autrui, prévenir la confrontation des blocs, et œuvrer ensemble à la paix et à la stabilité sur le continent eurasiatique ». Pas plus que les Etats-Unis, la Chine n’occupe une position de médiatrice. Il serait illusoire de le croire. C’est bien à un retour de la géopolitique des blocs auquel on semble assister, mais dans un contexte bien différent de celui de la guerre froide (1947-1991). La mondialisation a en effet produit de fortes interdépendances économiques et technologiques qui rendent toute perspective de découplage fort coûteuse, voire impossible. Les partenaires économiques ne sont plus forcément des alliés militaires, et réciproquement. Autrement dit, un fossé est en train de se creuser entre perceptions géopolitiques et réalités géoéconomiques.

Le terme de découplage est en vogue aux Etats-Unis, mais beaucoup moins ailleurs. Le refus de la logique des blocs est particulièrement vif en dehors du camp occidental, où une approche « pragmatique » de la politique étrangère est souvent mise en avant. Le ministre des Affaires étrangères saoudien l’a clairement exprimé lors de la World Policy Conference en décembre 2022 : « La polarisation est la dernière chose dont nous ayons besoin aujourd’hui ! […] Nous devons construire des ponts, renforcer les connexions et trouver des secteurs de coopération ». Quelques mois plus tard, c’est la Chine qui réalisait un coup diplomatique de premier ordre en servant d’intermédiaire au rétablissement des relations entre Riyad et Téhéran.

Pour l’UE, la situation est particulièrement délicate : l’Europe appartient au monde occidental, mais une rupture avec Pékin serait économiquement redoutable. En 2022, la Chine représentait plus de 20% des importations des différents membres de l’UE, et les Etats-Unis environ 12%. A l’horizon 2030, les prévisions du produit intérieur brut s’élèvent à 20 500 milliards de dollars pour l’UE, 30 500 milliards pour les Etats-Unis et 33 700 milliards pour la Chine. En janvier 2023, la présidente de la Commission européenne déclarait à Davos : « Nous aurons encore besoin de travailler et de commercer avec la Chine […]. Nous devons donc nous concentrer sur la réduction des risques plutôt que sur le découplage ». De son côté, Pékin encourage les velléités européennes d’ « autonomie stratégique », comprises en Chine comme une forme de distanciation à l’égard des Etats-Unis. Parallèlement, l’UE ne cesse de resserrer ses liens militaires, technologiques, financiers et énergétiques avec ces derniers.

La guerre de Taïwan aura-t-elle lieu ?

En coupant les liens entre l’UE et la Russie, la guerre d’Ukraine a ouvert un nouveau cycle des relations sino-américaines, celui d’une confrontation indirecte active, qui s’observe sur le continent européen. Peut-elle tourner à une confrontation directe « hors limites » ? Si oui, à quelle échéance ? Ces deux questions guident tout effort de prévision sur le cours de la mondialisation : les anticipations dépendent désormais de la probabilité accordée à une guerre entre les deux premières puissances mondiales. Début 2023, le général Michael Minihan de l’US Air Force déclarait : « J’espère me tromper. Mon instinct me dit que nous combattrons en 2025 », probablement autour de Taïwan, et exhortait ses officiers à se préparer au plus vite. Un mois plus tard, le groupe automobile Volkswagen annonçait un investissement de 180 milliards d’euros à la fois aux Etats-Unis et en Chine, après avoir estimé que cette dernière n’envahirait pas Taïwan « à court terme », en raison des dégâts qu’infligerait une telle action à l’économie chinoise.

Ce décalage d’anticipations entre la communauté stratégique et une partie du monde des affaires est révélateur d’une logique paradoxale : la persistance d’une intégration mondiale des chaînes de valeur et l’accélération des préparatifs militaires. Sans nécessairement en avoir conscience, ces anticipations résultent des lectures faites de l’histoire des relations sino-américaines . Avec la guerre d’Ukraine, tout le monde devrait avoir compris que des interdépendances économiques ne garantissent nullement, aujourd’hui comme hier, la stabilité stratégique. C’est pourquoi les différents acteurs, en particulier les grandes entreprises, essaient désormais de calculer leur « risque géopolitique » en intégrant le facteur sino-américain, qui relativise progressivement le facteur européen.

En accélérant les recompositions régionales et globales, la guerre d’Ukraine conduit à trois interrogations fondamentales. La première concerne l’anticipation faite en Europe du degré de convergence entre la Chine, la Russie et l’Iran, ainsi que de ses conséquences sur la relation transatlantique d’une part et sur les autres régions de l’autre. La deuxième porte sur l’anticipation de l’efficacité du dispositif mis en place par Washington pour contrecarrer la montée en puissance de Pékin dans les domaines militaire et technologique, mais aussi en termes d’alliances. A cet égard, le rapprochement entre les trois pays constitutifs d’AUKUS et le Japon mérite une attention particulière. En mars 2023, alors que Xi Jinping se rend à Moscou, le Premier ministre japonais visite Kiev. La dernière réside dans les attitudes possibles des Etats européens en cas de conflit ouvert dans le détroit de Taïwan, combiné à d’éventuelles livraisons d’armes de la Chine à la Russie.

Cette étude collective constate une hypothétique recherche d’équilibre de la part des Européens, qui se trouvent face à une guerre sur leur territoire – péninsule occidentale de la plaque eurasiatique –, qui ne peuvent se soustraire ni aux mécanismes sino-américains ni au soutien à l’Ukraine, et qui ne forment pas un ensemble monolithique. Elle analyse également la stratégie de plusieurs acteurs importants en dehors de notre continent, et montre que, de l’Ukraine à Taïwan, en passant par l’Afrique et le Moyen-Orient, les Européens disposent d’une étroite marge de manœuvre. C’est pourquoi elle propose des recommandations pour tenter, à un moment crucial, de renforcer leur positionnement.