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Chine/États-Unis : l'Europe en déséquilibre

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Diplomatie
Amérique du Nord
États-Unis
République populaire de Chine

L’hostilité grandissante des États-Unis envers la Chine

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Laurence Nardon

Directrice du Programme États-Unis de l'Ifri

Dans un pays où les affaires internationales font l’objet d’un débat constant et ouvert entre représentants officiels, universitaires et think tankers, et où l’opinion publique a son mot à dire, la question des relations que les Etats-Unis doivent entretenir avec la Chine est ancienne. Elle met aux prises les promoteurs d’un engagement avec Pékin et les partisans d’une plus grande méfiance.
Les tenants de l’engagement ne sont pas tous animés des mêmes intentions. Dans les années 1970, Henry Kissinger amorce l’établissement de relations diplomatiques avec la Chine communiste pour des raisons de « triangulation », c’est-à-dire pour affaiblir l’influence internationale d’une Union soviétique relativement proche de la Chine. Dans les années 1990, l’engagement souhaité par l’administration Clinton répond au contraire à l’espoir qu’une entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait amener cette dernière à s’ouvrir au monde et peut-être à se démocratiser, sur le modèle de l’Ostpolitik, lancé par l’Allemagne fédérale vers l’URSS.

Une hostilité croissante et bipartisane

Entre son arrivée au pouvoir en janvier 2001 et les attentats du 11 septembre, l’administration G. W. Bush avait commencé à désigner la Chine comme un nouveau peer competitor, qui pourrait prendre le relais de l’URSS en tant qu’ennemi n°1. La politique d’endiguement – dite « Pivot vers l’Asie » – est lancée en 2009, lors du premier mandat de Barack Obama. Depuis son second mandat, le curseur à Washington s’est arrêté sur une franche hostilité vis-à-vis de Pékin. Cette attitude représente sans doute l’un des rares sujets d’accord bipartisan à Washington aujourd’hui, bien plus par exemple que sur le soutien à apporter à l’Ukraine.

Ainsi, la guerre tarifaire déclenchée par l’administration Trump en 2018 n’a pas été remise en cause par l’administration Biden qui, au contraire, affirme sa réprobation sur tout le spectre des sujets de friction sino-américains : le non-respect des droits humains en Chine ; une balance commerciale très défavorable aux États-Unis liée à des pratiques chinoises déloyales ; l’acquisition frauduleuse des technologies américaines depuis de longues années… Plus fondamentalement, c’est la perception d’une puissance chinoise de plus en plus affirmée et active dans le monde, menaçant non seulement les intérêts et le modèle démocratique américain, mais aussi la place de puissance unipolaire que les Etats-Unis détiennent depuis 1991, qui s’impose à Washington.

Au printemps 2023, les États-Unis sont particulièrement actifs sur deux aspects de leur politique chinoise :

- Recrudescence de tensions autour de Taïwan

Face à des projets d’invasion chinoise de plus en plus affirmés, les États-Unis semblent réfléchir à une remise en cause de la posture d’« ambiguïté stratégique » qui prévaut depuis 1979. Pour étayer leur présence militaire sur l’ensemble du théâtre indopacifique, ils renforcent actuellement un certain nombre d’initiatives multilatérales, telles que le Quad (États-Unis, Japon, Australie, Inde) ou l’AUKUS (États-Unis, Australie Grande-Bretagne).

Le Congrès s’apprête par ailleurs à voter le Taiwan Policy Act, une loi renforçant fortement le soutien des États-Unis à l’île. De même, le speaker républicain de la Chambre, Kevin McCarthy, laisse entendre qu’il se rendra en visite à Taïwan cette année, comme l’avait fait son prédécesseur démocrate, Nancy Pelosi, en août 2022. Ce geste, dénoncé comme très hostile par Pékin, pourrait-il être un déclencheur d’hostilités majeures entre les deux pays ? Nombreux sont les observateurs à Washington qui reprennent la thèse de Graham Allison dans son ouvrage de 2017, Vers la guerre, les États-Unis et la Chine dans le piège de Thucydide. Il y dénonce le risque d’une guerre de succession entre les deux puissances mondiales, sur le modèle de Sparte et Athènes.

Un tournant protectionniste

Assumant la rupture avec les principes de l’économie libérale adoptés dans les années 1980, l’administration Biden cherche à sortir de ce qu’elle perçoit comme une menace chinoise dans les domaines économique, commercial et technologique. Elle a donc conservé les tarifs douaniers de l’époque Trump puis, en octobre 2022, fortement resserré les possibilités d’exportation de semi-conducteurs américains vers la Chine. Pas question pour Washington de revivre la domination de la firme Huawei sur le créneau de la 5G ! Joe Biden a également lancé une politique industrielle résolue : avec l’Inflation Reduction Act (IRA) et le Chips Act de l’été 2022, les États-Unis vont s’efforcer de regagner leur indépendance vis-à-vis des chaînes de production passant par la Chine, au moins dans le domaine des semi-conducteurs et des batteries pour véhicules électriques.

Le très haut niveau d’échanges commerciaux et financiers établi entre les deux pays depuis les années 2000 risque cependant de créer des difficultés, et le découplage mis en œuvre ne pourra se faire que progressivement.

Quelles répercussions pour l’Europe ?

Les politiques protectionnistes mises en place par l’administration Biden, qu’il s’agisse des subventions apportées à la relocalisation des usines sur le sol américain ou du contrôle des exportations de technologies, vont entraîner des conséquences très dommageables pour les entreprises européennes. Des négociations entre Bruxelles et Washington sont en cours.

Les Européens craignent par ailleurs que l’intérêt des Américains pour la Chine ne les détourne de la défense de l’Ukraine contre la Russie, surtout si le prochain président américain, élu en 2024, est républicain. Le chercheur Elbridge Colby – qui avait occupé un poste important au Pentagone sous Trump – explique ainsi que les États-Unis ne doivent se concentrer que sur la menace chinoise et éviter les « distractions » telles que la guerre en Ukraine. Pourtant, l’engagement des Etats-Unis aux côtés de l’Ukraine dément la propagande aussi bien russe que chinoise d’un Occident démobilisé et affaibli. La vigueur du soutien à Kiev est peut-être l’attitude la plus à même de dissuader Pékin de franchir le Rubicon sur le dossier de Taïwan.

Chiffre clé

L'Inflation Reduction Act (IRA) prévoit 369 milliards de dollars en subventions et avantages fiscaux pour lancer la transition, verte - le montant de dépenses total ne peut etre connu car il dépend du nombre d'entreprises/personnes qui y auront recours.

Recommandation politico-stratégique pour l'Union européenne

Poursuivre les négociations avec les États-Unis pour tenter d'obtenir des assouplissements aux mesures jugées protectionnistes et pouvant nuire aux entreprises de l'UE, ou amener ces dernières à déplacer leurs investissements aux États-Unis.

Recommandation opérationnelle

Poursuivre le développement de mesures de soutien à la transition verte en Europe même (Pacte vert, etc).