La politique américaine de la Chine se confond avec ses ambitions stratégiques globales. Pékin aspire à devenir la première puissance mondiale, et doit donc dépasser l’actuel numéro un : les Etats-Unis. Cette concurrence s’opère dans les domaines économique, technologique et militaire, mais aussi dans le champ idéologique, la Chine cherchant à lutter contre un ordre international dominé par les principes de la démocratie et de l’État de droit.
Quête de puissance
À son arrivée au pouvoir en 2012, Xi Jinping a intitulé cette ambition de puissance le « rêve chinois de grande renaissance de la nation ». A l’aube de son deuxième mandat en 2017, il a fixé les « deux objectifs du siècle » : réaliser « l’essentiel de la modernisation socialiste » d’ici 2035, puis faire de la Chine une « grande nation socialiste moderne » et bâtir une « armée de rang mondial » à l’horizon 2049, année du centenaire du régime. Sur le plan militaire, un objectif intermédiaire est de bâtir, pour le centième anniversaire de l’Armée populaire de libération en 2027, une force moderne et prête au combat.
Les États-Unis sont le principal obstacle à cette ambition de puissance du fait de l’avance dont ils bénéficient sur le plan diplomatique (réseau d’alliances), économique, militaire et technologique. C’est d’ailleurs parce que le rattrapage qualitatif et quantitatif avec les Américains nécessiterait des décennies, que la Chine mise prioritairement sur des sauts technologiques (dans les domaines de l’intelligence artificielle ou du quantique par exemple) pour surpasser son grand rival. En effet, certaines innovations pourraient offrir à la Chine un avantage déterminant dans les domaines militaire, industriel, des standards ou du commerce.
Ainsi, la Chine investit massivement dans la technologie, à travers différents plans comme Made in China 2025 (publié en mars 2015), qui a été mis à jour avec le 14e Plan quinquennal de mars 2021, largement axé sur les nouvelles technologies. Les Etats-Unis n’ignorent pas ces ambitions et ont d’ores et déjà pris leurs dispositions pour entraver les progrès technologiques chinois.
Taïwan
Pékin perçoit aussi Washington comme une menace à son projet « d’unification » de Taïwan avec la République populaire. L’accentuation de la coercition militaire, politique et économique de la part de Pékin depuis 2020, a engendré un mécanisme d’ajustement de la politique américaine. Washington conserve officiellement son « ambiguïté stratégique » à l’égard de Taïwan, mais renforce son soutien politique et militaire à Taipei dans le but de dissuader Pékin de lancer une attaque. Craignant dans les années à venir une offensive chinoise qui aurait des conséquences pour toute la communauté internationale, de plus en plus d’Etats manifestent eux aussi leur soutien politique à Taïwan, alimentant encore les réactions épidermiques de Pékin.
Influence mondiale
Pour devenir une grande puissance mondiale, la Chine entend également rivaliser avec les Etats-Unis partout dans le monde. C’était l’un des objectifs de l’Initiative de la Ceinture et de la Route (BRI), le projet phare de Xi Jinping, lancé en 2013 et destiné notamment à développer les relations et l’influence de la Chine. Dix ans plus tard, le bilan de la BRI est plus que mitigé. Pékin a subi plusieurs revers et sa « diplomatie du prêt » suscite désormais la suspicion. En outre, le Chine ne semble plus avoir les moyens de ses ambitions, depuis que l’octroi de prêts chinois à l’étranger diminue depuis 2017.
Si la BRI est moins mise en avant, l’ambition de concurrencer les Etats-Unis sur la scène internationale n’a pas faibli. Xi Jinping a récemment lancé un double projet d’envergure internationale : l’Initiative de développement globale (GDI), qu’il a annoncée à l’ONU en septembre 2021, et l’Initiative de sécurité globale (GSI), dévoilée en avril 2022 et dont la feuille de route a été publiée en février 2023.
Au vu des tensions géopolitiques actuelles, ces initiatives ne visent pas les pays occidentaux, mais cherchent plutôt à développer un cercle d’influence chinois dans les pays du Sud, pour concurrencer les Etats-Unis, notamment au sein des instances onusiennes.
Défis intérieurs
Toutefois, les Etats-Unis ne sont pas le seul obstacle dans la quête de puissance chinoise. D’autres défis, non moins déterminants, se trouvent en réalité en Chine même. En dépit de la sortie de la politique « Zéro Covid » fin 2022, le pays se trouve face à un ralentissement économique structurel qui va peser sur les capacités de développement et sur les inégalités. L’environnement des affaires est également de plus en plus contraignant pour les acteurs économiques étrangers, dont beaucoup revoient leur stratégie d’investissement sur le marché chinois.
La Chine est aussi rattrapée par son manque de réformes sociales avec la forte accélération du vieillissement de la population, illustrée par la décroissance démographique en 2022. Ces enjeux économiques et démographiques peuvent à leur tour avoir des effets sur la stabilité sociale, dans une société où les perspectives des jeunes générations s’assombrissent, et l’autoritarisme du Parti communiste se radicalise.
La position européenne
Bien que l’Union européenne renforce progressivement sa politique chinoise depuis 2019, il semble que tous les dirigeants européens, en particulier à l’Ouest, n’aient pas encore acté la volonté de Pékin de remodeler l’ordre international selon des principes contradictoires avec les valeurs fondamentales de l’UE, comme l’état de droit et les droits humains. La France et l’Allemagne, en particulier, conservent des lignes assez ambiguës vis-à-vis de Pékin, cherchant à préserver les relations économiques bilatérales et renvoyant les questions politiques sensibles à Bruxelles.