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Diplomatie
Russie et Nouveaux États Indépendants

L’espace post-soviétique existe-t-il encore ?

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Florian Vidal

Chercheur associé au Centre Russie/NEI de l'Ifri

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Michaël Levystone

Chercheur au Centre Russie/NEI de l'Ifri

Trente ans après la dissolution de l’URSS, l’espace post-soviétique apparaît plus morcelé que jamais, révélant des tendances centrifuges et de profondes disparités économiques, politiques et stratégiques. Au sein même des zones géographiques qui composent cet espace – Europe orientale, Caucase du Sud et Asie centrale –, les trajectoires divergentes l’emportent désormais sur l’héritage soviétique commun. Plusieurs conflits y sévissent – ouverts, comme en Ukraine et dans le Haut-Karabagh, ou gelés comme en Transnistrie et en Géorgie. La Russie voit son influence de plus en plus concurrencée par d’autres puissances globales ou régionales (Chine, Turquie et Iran) et son économie est soumise à un régime de sanctions d’une ampleur inédite. La France et l’Union européenne (UE) font, elles, face à plusieurs défis dans cette vaste zone en mutation, exposée à des menaces sécuritaires multiformes (conflits armés, migrations illégales, trafics de drogue et d’armes, terrorisme). L’environnement concurrentiel et instable impose aux Européens de redéfinir leurs instruments militaires, diplomatiques et institutionnels.

Europe orientale : un défi politique et sécuritaire continental

Marquée par une montée progressive des tensions (état d’urgence énergétique décrété à Chisinau, chantage migratoire imposé par Minsk à l’UE, reconnaissance par Moscou de l’indépendance des Républiques de Donetsk et de Lougansk dans le Donbass), l’Europe orientale a basculé dans la guerre le 24 février 2022, avec l’invasion russe de l’Ukraine. Les pays voisins sont d’ores et déjà exposés aux conséquences migratoires d’un conflit porteur de très lourdes incertitudes pour la sécurité européenne, voire mondiale (sort des armements livrés par Bruxelles à Kiev à la fin des combats, imprévisibilité des actions russes face à la Moldavie, la Géorgie et même la Finlande). Le prochain président français – qui assurera également jusqu’à la fin juin la présidence du Conseil de l’UE – devra veiller à ce que les hostilités ne débordent pas du cadre ukrainien, tout en prévenant un éventuel déploiement d’ogives nucléaires par Moscou chez son allié bélarusse. Si l’unité des Européens face à l’épreuve de la guerre – mais aussi dans la réponse à apporter aux demandes ukrainienne, moldave et géorgienne d’adhérer à l’UE –, apparaît comme un prérequis indispensable pour envisager une sortie de crise, le maintien d’un dialogue avec Moscou est tout aussi fondamental pour garantir la sécurité du continent sur la durée.

Le Caucase du Sud en pleine recomposition stratégique

La guerre de 2020 opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh a provoqué un bouleversement géopolitique régional majeur, marqué par la montée en puissance de Bakou appuyé par la Turquie, le renforcement des positions diplomatiques de Moscou et la marginalisation du groupe de Minsk, co-présidé par les États-Unis, la France et la Russie. En Géorgie, la crise institutionnelle et l’impasse politique ralentissent le processus d’intégration européenne. Au-delà du soutien qu’elles apportent à cette région sur les plans économique et institutionnel, comment la France et l’UE peuvent-elles peser dans le règlement des conflits, tout en contribuant à renforcer la résilience de ces pays et en préservant leurs aspirations démocratiques ?

L’émergence d’une nouvelle approche en Asie centrale ?

Le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan a rendu le contexte régional plus incertain sur le plan sécuritaire, comme en atteste la gestion d’une partie de la frontière tadjiko-afghane par les djihadistes de la Jamaat Ansarullah. Pour répondre à des défis communs (terrorisme, trafics, crise migratoire), la France a entrepris un rapprochement avec l’Ouzbékistan (entretien téléphonique avec le président Chavkat Mirzioïev en août 2021) et le Tadjikistan (visite officielle du président Emomali Rakhmon à Paris en octobre 2021). Dans le domaine économique, alors que l’Asie centrale et la mer Caspienne ont gagné en importance comme zones de transit entre les marchés chinois et européen, Paris pourrait en profiter pour renforcer sa présence en matière d’ingénierie et de transports. Liée au Kazakhstan par un partenariat stratégique (2008), la France poursuit son implantation économique (énergies renouvelables, smart cities) en Ouzbékistan depuis 2017. La diversification des relations commerciales sera vue d’un bon œil par des pays d’Asie centrale que la proximité avec la Russie expose aux effets des sanctions ciblant l’économie russe.

Au-delà des spécificités régionales est-européennes, caucasiennes et centrasiatiques, l’approche française et européenne se heurte à un dilemme important qu’il faudra peut-être trancher : aborder cet espace sous le prisme de la relation avec Moscou ou bien appréhender les pays qui le constituent à travers des dynamiques propres.