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Chine/États-Unis : l'Europe en déséquilibre

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Diplomatie
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L’Afrique subsaharienne, front secondaire de la rivalité sino-américaine

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Alain Antil

Directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri

Depuis la fin du XIXe siècle, l’Afrique subsaharienne s’est intégrée à la mondialisation selon trois modalités différentes.

Jusqu’aux années 1960, la première a été la colonisation par différents pays d’Europe occidentale, à laquelle peu de pays d’Afrique subsaharienne ont échappé. Cette période, outre la domination militaire, est caractérisée par une quasi-exclusivité des rapports économiques de l’Afrique subsaharienne avec les métropoles.

La deuxième modalité est celle de la guerre froide. L’Afrique subsaharienne est un terrain d’affrontement entre les deux camps, qui soutiennent des régimes autoritaires. Les deux chefs de file (États-Unis et Union soviétique) sont secondés par des alliés : France, Royaume-Uni, Chine, Cuba… et tissent des liens avec les pays africains sur un mode de clientélisme géopolitique. Cette période est marquée par la corrélation forte entre relations économiques, sécuritaires et coopération. Certains pays non-alignés réussissent à garder des relations avec les deux blocs.

La troisième modalité se met en place après la guerre froide, et s’accélère depuis le début du XXIe siècle. De nouveaux partenaires (pays du Golfe, pays asiatiques, Turquie, Brésil, pays européens sans passé colonial…) ouvrent des ambassades, bâtissent des politiques et des coopérations avec les États de la zone qui peuvent dès lors diversifier leurs alliances et échapper ainsi à certaines dépendances. Ouverture démocratique, croissance économique, plus grande coopération entre puissances autrefois rivales caractérisent cette période. On peut voir ainsi la Chine racheter des entreprises occidentales, ou encore Occidentaux et Chinois coopérer dans la lutte contre la piraterie le long de la Corne de l’Afrique. Les coopérations sécuritaires et liens économiques ne sont plus corrélées étroitement comme dans les périodes précédentes.

Malgré ces évolutions, les pays de l’ASS restent très majoritairement fournisseurs de matières premières et importent les produits transformés. Ils sont donc extrêmement dépendants de leur capacité à exporter un bouquet très limité de produits.

La Chine en Afrique subsaharienne, une présence incontournable au XXIe siècle

États-Unis et Chine sont des partenaires importants de l’Afrique subsaharienne depuis de nombreuses décennies. La République populaire de Chine (RPC) a développé une diplomatie dynamique depuis les indépendances, essayant de convaincre les pays de la zone de renoncer à leur reconnaissance de Taïwan. Elle a soutenu certains mouvements indépendantistes pendant la guerre froide, mais avec des moyens limités car elle était elle-même un pays en développement. À partir de la fin des années 1990, elle encourage ses entreprises à conquérir des marchés extérieurs, commence à devenir « l’usine du monde » et devient de plus en plus dépendante de ressources énergétiques et minières de l’Afrique subsaharienne. La RPC est progressivement devenue le premier partenaire commercial de la zone, le premier prêteur bilatéral, l’un des principaux bénéficiaires des ressources minières, un acteur de plus en plus important de certains secteurs clés : infrastructures, télécoms, matières premières « critiques » pour la décarbonation de l’économie. Le tout en développant un soft power autour de quelques mantras : la RPC ne donne pas de leçons de bonne gouvernance aux pays d’Afrique subsaharienne ; elle est elle aussi un pays « du Sud » qui a été colonisé ; elle travaille à un monde « multipolaire » et non dominé par les « impérialistes occidentaux ».

Le réinvestissement de Washington en Afrique subsaharienne pour contrer Moscou et Pékin

Les États-Unis sont un acteur politique majeur en Afrique subsaharienne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, soutenant l’aide publique au développement dans les pays « sous-développés » (discours du président Harry Truman de 1949), appelant à la « décolonisation », puis devenant le leader occidental en Afrique subsaharienne durant la guerre froide. Après la chute de l’Union soviétique, différents accords de préférence commerciale sont mis en place pour doper les échanges, dont l’African Growth and Opportunity Act (2000). L’investissement sécuritaire décroît nettement à partir des années 2000. Si la densité des coopérations/formations avec divers pays de l’Afrique subsaharienne reste élevée, les interventions militaires directes se limitent à des opérations de forces spéciales. La période Trump marque un relatif désinvestissement diplomatique de Washington en Afrique subsaharienne, d’autant que le pays devient autosuffisant en produits pétroliers.

Depuis l’arrivée de Joe Biden, un regain de l’activisme des États-Unis est visible (santé, commerce, climat), avec des discours de plus en plus offensifs vis-à-vis de la Russie (campagne actuelle contre le groupe Wagner), mais aussi de la Chine. Parmi les angles d’attaque contre Pékin, les responsables américains dénoncent le ré-endettement des économies africaines auprès de la RPC et les inféodations qui en découlent, le non-respect des normes environnementales et sociales des entreprises chinoises, la pratique de l’aide liée et de la corruption. La République démocratique du Congo, que certains observateurs surnomment « l’Arabie saoudite de l’ère des véhicules électriques », est l’un des pays de l’Afrique subsaharienne où l’affrontement sera le plus vif. Washington s’inquiète également d’un investissement sécuritaire croissant de la Chine en Afrique. Base militaire à Djibouti, apparition de sociétés de sécurité privées chinoises, volonté prêtée à la RPC d’ouvrir une deuxième base en Afrique, cette fois-ci sur sa façade atlantique, etc. : les éléments d’irritation se multiplient.

Quel positionnement pour l’Europe ?

Si le Consensus de Pékin semble progressivement supplanter le Consensus de Washington en Afrique subsaharienne, cette zone reste toutefois un espace de compétition secondaire entre les deux grands. Les Européens doivent prendre conscience de l’entrée de l’Afrique subsaharienne dans une nouvelle ère géopolitique, où la compétition va se substituer à la collaboration. La Russie accapare l’attention depuis quelques années, mais il faut également se méfier de la politique africaine de la RPC. Le contrôle d’infrastructures critiques (ports, aéroports, réseaux téléphoniques…), l’avance prise dans l’accès aux minéraux-clés pour l’avenir, ou encore l’entretien de la « grande corruption », sont autant d’éléments qui doivent nous interpeller. Les Européens doivent se départir de leur naïveté. Par exemple, est-il normal que des entreprises chinoises obtiennent des marchés liés à l’aide publique au développement de pays européens, alors que la réciproque est inimaginable ?

Chiffre clé

50% des réserves mondiales prouvées de cobalt en 2021 sont situées en République Démocratique du Congo. Le cobalt est l’un des minerais clés de la transition énergétique.

Recommandation opérationnelle pour l'Union européenne

L’UE, pour sortir de sa dépendance, doit se doter de plusieurs champions miniers dans le domaine des matières premières critiques pour la transition énergétique.